POURSUIVRE LA LUTTE POUR LA DEMOCRATIE

 

independance monument 827299A l’occasion de la commémoration du 60ème anniversaire de la victoire du Peuple togolais sur le régime colonial, la Rédaction du site de la CDPA-BT a jugé utile de publier à nouveau l’interview accordée au site Le Togolais.com le 30 avril 2008 par le Premier Secrétaire de la CDPA-BT.
Il ne s’agit pas seulement de rendre hommage aux glorieux combattants qui ont su mener la lutte anticoloniale jusqu’à la victoire, autrement dit jusqu’à l’indépendance du pays en 1960. Le combat mené par ces grands hommes est un grand livre dans lequel l’opposition togolaise peut puiser des leçons utiles pour faire aboutir la lutte pour la démocratie.
Dans cette situation de blocage où le “dialogue” insidieusement monté pour désamorcer les marches a conduit la C14, il est utile que l’opposition regarde dans le rétroviseur pour mieux avancer.

 

LTG : Qu’évoque pour la CDPA-BT le 27 avril ?

Emmanuel GU-KONU : Une lutte résolue menée par les nationalistes indépendantistes togolais contre l’occupant colonial et ses appuis internes. L’occupant colonial, c’est la puissance coloniale française. Les appuis internes sont de deux ordres : des personnalités qui se sont mis du côté de l’occupant colonial et des organisations politiques créées de toutes pièces par le colonisateur comme l’UCPN (Union des Chefs & des Populations du Nord), ou soutenus par lui comme le Parti Togolais du Progrès (PTP).

On est bien obligé de citer quelques noms pour lever les confusions et démonter les machinations de tout ordre pour tordre le cou à l’histoire : Ayeva Derman, Mama Fousseni pour l’UCPN ; Grunitzky, Adjavon, Aquerebourou… pour le Parti Togolais du Progrès (PTP).

Disons le clairement : Ces hommes et ces organisations politiques instrumentalisées par la puissance coloniale se sont déclarés opposés à l’indépendance du Togo. Ils ont clairement traduit cette position dans les faits en usant de violence et d’exactions de toutes sortes sur les militants nationalistes toutes les fois qu’ils en ont trouvé l’occasion ; et ils l’ont fait soit directement, soit par l’intermédiaire des commandants de cercle et de leurs subordonnés.

Ils estimaient que le pays devait continuer d’être dans le giron de la France (dans l’Union Française, qui deviendra à partir de 1958 la Communauté franco-africaine et malgache !). En fait, ils voulaient que le Togo reste sous la domination coloniale française comme l’ont voulu des hommes tels que Houphouet, Sengor, Yameogo, Maga, respectivement pour la Côte d’Ivoire, le Sénégal, la Haute Volta (Burkina Fasso), le Dahomey (Bénin)…

Il ne faut pas oublier que sous la pression de la guerre d’Algérie et d’autres foyers, qui commençaient à embraser d’autres colonies françaises d’Afrique subsaharienne comme le Cameroun avec l’Union des Populations du Cameroun (UPC) ou le Niger (la Sawaba), de Gaulle s’est trouvé dans l’obligation de forcer quasiment ces hommes à prendre l’indépendance dans la précipitation en 1960. Il valait mieux éviter que le feu, que le parti colonial français s’efforçait vainement d’étouffer en Algérie, se propage dans le reste des colonies françaises d’Afrique.

En étant pour le maintien du Togo dans l’Union française comme le veut la France, ces hommes et leurs organisations sont forcément opposés aux nationalistes indépendantistes qui se battaient, eux, pour sortir le pays du joug colonial français. Ces nationalistes, c’est en réalité l’immense majorité de la population d’où se sont dégagés les hommes et les femmes qui ont conduit la lutte anticoloniale dans le cadre de deux partis politiques, le Comité de Unité Togolaise (CUT) et la JUVENTO.

Il convient de mentionner quelques noms dans ce cas aussi, toujours dans le souci de lever les confusions dont on enveloppe tout le pays, pour manipuler les consciences et les détourner de la lutte en cours pour la démocratie : Pa de SOUZA, Sylvanus Olympio, le populaire Piampiam et bien d’autres encore à Lomé ; Sam Klu, Marc Atidefe, Gerson Konu et bien d’autres encore à Kpalime ; Félix Color et d’autres à Atakpame ; Odanou Dobli, Martin Sankaredja, Laurent Djagba à Dapango (Dapaong)…

Quelques vérités simples s’imposent après cette présentation succincte, même à ceux qui sont chargés de noircir l’histoire de la lutte anticoloniale au Togo.

1- Pour combattre les nationalistes indépendantistes afin de maintenir le Togo sous la domination coloniale de la France, l’autorité coloniale française a réussi à diviser la population togolaise en deux : d’un côté ceux qui revendiquaient l’indépendance et se battaient pour mobiliser la masse de la population (les nationalistes indépendantistes) et de l’autre, ces hommes et organisations politiques fabriqués par la France coloniale pour montrer aux Nations Unies et ailleurs que les Togolais ne veulent pas de l’indépendance et préfèrent “ rester français ”.

La manœuvre est classique dans l’histoire de la colonisation française. C’est donc un mensonge éhonté (ou alors une preuve d’ignorance) que d’affirmer aujourd’hui qu’aucun togolais « n’était contre l’indépendance de son pays », et que 27 avril 1958 serait le couronnement d’une lutte anticoloniale que tous les togolais se seraient mis ensemble pour mener de concert dans un admirable consensus ! Le 27 avril 1958 est la victoire de ceux qui ont mené la lutte anticoloniale avec tant d’acharnement et d’abnégation sur la France coloniale, le Parti Togolais du Progrès et l’Union des Chefs et Populations du Nord. Affirmer le contraire est un honteux mensonge. Et c’est très vilain d’agir ainsi.

C’est parce que le 27 avril 1958 est une victoire des nationalistes sur les pro-français, que le coup d’Etat du 13 janvier 1963 est justement une revanche du parti colonial français pour ramener le pays dans le giron de la France.

2- Le PTP et l’UCPN n’avaient pas que le CUT en face d’eux. C’est une alliance CUT-JUVENTO que ces deux partis pro-coloniaux ont combattu aux côtés de la France coloniale. Sans cette alliance historique, les nationalistes indépendantistes n’auraient pas remporté la victoire du 27 avril 1958. C’est une leçon importante qu’il faut tirer des élections du 27 avril 1958. Elle est précieuse pour redéfinir les modalités du combat en cours pour la démocratie.

Car, l’Alliance CUT-JUVENTO n’a été possible que parce que tous les nationalistes indépendantistes se sont mis d’accord sur un objectif commun, véritablement rassembleur de tous ceux qui ne veulent plus de la domination coloniale française. Cet objectif, c’est la fin du régime colonial par l’accession du pays à la souveraineté nationale.

Ce qui avait opposé les nationalistes/indépendantistes au PTP/UCPN n’est nullement une simple question de choix de la date de l’indépendance, mais bien la question de savoir si le Togo devait obtenir sa souveraineté nationale (l’Indépendance), ou rester sous la domination de la France. Entre les deux courants, c’est donc une opposition fondamentale, irréductible.

C’est pour cette raison que le combat en cours pour la démocratie est de même nature que la lutte anticoloniale. Entre ceux qui veulent maintenir la dictature militaire d’Eyadema pour pouvoir continuer de se maintenir au pouvoir et ceux qui se battent pour l’instauration de la démocratie, la contradiction est irréductible. Des hommes hier de l’opposition qui se mettent au service du vieux régime de dictature créé dans l’esprit de la population une confusion préjudiciable à l’avenir du pays.

Faire passer aujourd’hui les membres du Parti Togolais du Progrès (PTP) pour des “ progressistes ” relève d’une escroquerie intellectuelle indigne d’un professeur d’Université togolais. C’est une manière indirecte de charger injustement ceux qui se sont battus pour l’indépendance du pays et de salir leur mémoire, tout comme les auteurs du coup d’Etat du 13 janvier 1963 n’ont pas cessé de le faire jusqu’aujourd’hui. Il est scandaleux de prendre pour des progressistes des hommes et des organisations politiques qui ont cherché à maintenir leur pays sous domination étrangère, à plus forte raison sous le joug colonial.

LTG : Avez-vous un hommage particulier à faire à l’un des glorieux combattants de l’indépendance togolaise ?

E. GU-KONU : La lutte anticoloniale ou la lutte pour l’indépendance n’a pas été une partie de plaisir. Pas plus au Togo que partout où une population est soumise à un régime colonial d’oppression et d’exploitation.

Comme toute lutte pour la liberté d’un peuple, c’est un combat difficile, où un grand nombre d’hommes, de femmes et de jeunes portés par un engagement profond pour la liberté et la dignité se sont retrouvés en prison, ont vu leur avenir détruit, ou ont perdu la vie. Tous ceux-là méritent qu’on leur rende un hommage profond pour leur engagement dans la lutte, leur sens élevé de nationalisme et de patriotisme, leur sens d’abnégation et de sacrifice pour leur pays, leur capacité à faire passer l’intérêt général avant les ambitions égoïstes pour le pouvoir, la richesse et les petits honneurs.

Toutes ces femmes qui ont compris la nécessité de cotiser 25 francs comme apport pour permettre à Sylvanus Olympio et son équipe de porter les pétitions des nationalistes indépendantistes aux Nations Unis, et qui l’ont fait régulièrement avec espoir et enthousiasme méritent cet hommage.

Pour éviter les tracasseries de l’administration coloniale, des hommes du PTP et de l’UCPN, des femmes et des hommes de Dapaong, de Mango, de Bassar, d’Akposso, de Klouto étaient obligés de passer la frontière Togo-Ghana et de descendre jusqu’à Aflao pour pouvoir s’infiltrer à Lomé dans le seul but de participer à un meeting politique organisé par le CUT ou la JUVENTO ou les deux ensemble. Ces hommes et ces femmes méritent qu’on leur rende cet hommage pour leur courage et leur sens civique.

Ceux qui ont bravé la force coloniale au péril de leur vie pour faire avancer la lutte pour la fin du régime colonial comme ceux qui ont déchiré le drapeau de “ Zotonomie ” sur le terrain de Lomé méritent qu’on leur rende cet hommage pour leur courage et leur détermination à faire aboutir la lutte pour la fin du régime colonial.

Il en est de même de toutes ces personnes, demeurées inconnues, toute cette masse de femmes et d’hommes qui n’ont pas cédé aux pressions, aux intimidations, aux brimades, aux violences de nombre de chefs de village comme ceux des commandants de cercle et ont ainsi contribué par leur ténacité et leur détermination à la victoire du 27 avril 1958 ont également droit à cet hommage.

A l’occasion de la mise en ligne de son nouveau site le 27 avril 2008, la CDPA-BT a rendu hommage à toutes ces femmes et à tous ces hommes qui sont les réels artisans de notre indépendance malheureusement aujourd’hui détournée et confisquée. Elle leur a dédié le nouveau site.

LTG : Selon vous, quel est le véritable esprit de l’Ablodee ?

E. GU-KONU: “Ablodee ! Woa tsa dua !” C’est le cri de ralliement dans tous les grands meetings publics de l’époque, surtout de 1956 à 1958, qu’il s’agisse des meetings du CUT ou ceux de la JUVENTO. Pour les nationalistes indépendantistes sans distinction d’appartenance partisane et pour la masse de la population qu’ils ont réussi à mobiliser par ce slogan, le sens profond de l’Ablodee traduit la liberté, et au-delà la libération de l’oppression coloniale, et donc du régime colonial.

Car, le régime colonial est par nature un régime dictatorial. Les chefs de Klouto que le commandant de cercle a forcé à se mettre en rond autour d’un grand feu de bois sous un soleil brulant pendant des heures à Agou Gare ne démentiront pas cette affirmation. La villageoise qui prend sur elle d’aller en pleine nuit dans la forêt, un lampion à la main, pour ramasser des noix sous des palmiers à huile afin d’éviter que son mari ne soit jeté en prison le lendemain non plus.

L’esprit de l’Ablodee est indissociablement lié à l’idée de la lutte pour l’obtenir, je dirai plutôt pour l’arracher. Car, l’Ablodee ne se donne pas. Il ne tombe pas du ciel tout seul. L’oppresseur ne l’offre pas aux opprimés sur un plateau d’argent. l’Ablodee se conquiert par la lutte. Les nationalistes indépendantistes et la masse de la population qu’ils avaient su organiser et mobiliser l’avaient bien compris. C’est pour cela qu’ils se sont battus ensemble comme un seul homme contre l’oppresseur colonial pour l’Ablodee.

L’esprit de l’Ablodee est également indissociable de l’idée selon laquelle la lutte pour l’Ablodee est avant tout une lutte de masse, c’est-à-dire une lutte impliquant activement la masse de la population dans son processus. L’implication de la masse de la population ne s’était pas limitée à la participation de celle-ci aux élections. La participation massive des Ablodetowo aux élections du 27 avril 1958 n’est qu’un aspect et une des conséquences de la participation active et massive de la population au combat politique lui même pour l’Ablodee.

Cette participation massive n’a été possible que parce que les nationalistes indépendantistes s’étaient imposé la tâche d’organiser, d’informer et de mobiliser la population sur ce thème commun et unique de l’Ablodee. Il ne faut pas oublier le rôle fondamental joué par les Comités créés dans les villages soit par le CUT, soit par la JUVENTO. Et il faut leur rendre hommage pour le travail remarquable d’organisation, de formation et de mobilisation qu’ils ont accompli auprès de la population sur le thème de l’Ablodee.

Bien avant nous, les acteurs de la victoire politique (pas seulement électorale) de 1958 ont compris que la force de l’opposition à un régime de dictature réside dans la force organisée de la masse de la population opprimée. Et que l’unité d’action du CUT et de la JUVENTO est une condition incontournable pour pouvoir justement organiser la masse de la population afin d’en faire une force politique capable de jouer un rôle décisif dans la lutte pour le renversement du régime colonial.

Aucun leader du CUT ou de la JUVENTO ne disait à l’époque que le PTP et l’UCPN ne “ font pas que de mauvaises choses ” comme le patron de la CPP le dira malencontreusement du RPT pour se préparer la voie vers le pouvoir. Aucun leader indépendantiste de l’époque n’était rentré dans le gouvernement Grunitzky de “ l’Autonomie interne ” (1956-1958) sous le fallacieux prétexte qu’il “ faut y aller pour limiter les dégâts ou pour apprendre à gouverner ” ; ils étaient tous unis pour le combattre avec acharnement et esprit de suite. Ni Sylvanus Olympio, ni Marc Atidepe, ni Anani Santos, ni Apaloo Ben, ni Aithson… n’avait divisé la masse de la population en essayant de clienteliser et de ranger derrière lui une fraction des Ablodetowo ; il ne leur était pas venu à l’esprit de le faire, parce qu’aucun d’entre eux ne roulait pour lui-même, et parce qu’ils avaient su se donner un objectif unitaire et rassembleur pour la lutte en vue de l’Ablodee.

LTG : Cette conception de la lutte est- elle d’actualité au Togo ?

E. GU-KONU : L’Ablodee, c’est donc la liberté arrachée à l’oppresseur à travers une lutte portée par la masse de la population organisée et mobilisée sur un objectif rassembleur (la fin du régime colonial). C’est sur cette conception qu’est fondée en réalité l’insurrection populaire d’octobre 1990 contre le régime de dictature militaire d’Eyadema.

Le mot d’ordre central de la lutte anticolonial était “ le départ des Français ”. Celui de l’insurrection populaire d’octobre 1990 est “ le départ d’Eyadema ”. Si la ressemblance est si frappante, c’est parce que l’objet du combat anticolonial comme celui de la lutte pour la démocratie est le même : la fin d’un régime de dictature.

Mais il y a une différence de taille : la lutte anticoloniale conduite par les nationalistes indépendantistes s’est traduite par la victoire du 27 avril 1958, tandis que la lutte pour la fin du régime d’Eyadema s’est soldée par un échec : le régime de dictature se maintient, avec toujours comme assise la même armée personnelle et le même parti-Etat (le RPT) ; il continue de fonctionner sur la base des nouvelles institutions qu’Eyadema s’était données à partir de 1996 pour justement se maintenir au pouvoir et se consolider sans cesse (la constitution de 2002, la Cour constitutionnelle…) et, d’autre part, sur la base des mêmes pratiques politiques, de la même haine pour la démocratie, de la même vision des rapports Etat Population…

En conséquence, la conception de la lutte empreinte de l’esprit de l’Ablodee est plus que jamais d’actualité.

Si le CUT et la JUVENTO avaient instauré un climat de rivalité entre eux pour le pouvoir tout au long de la lutte anticoloniale jusqu’à la veille des élections d’avril 1958, les nationalistes indépendantistes n’auraient pas remporté la victoire.

Si la direction du CUT s’était surtout préoccupée de démontrer aux Juventistes et à l’opinion togolaise que le CUT est le parti d’opposition le plus grand, que son chef est l’opposant historique, que la JUVENTO devait donc rester à la traîne du CUT ou se fondre en lui ; si elle avait dit qu’il lui appartenait par conséquent de décider seule de la politique d’opposition à conduire vis-à-vis du régime colonial, les nationalistes indépendantistes n’auraient pas remporté la victoire du 27 avril 1958.

Si la direction du CUT et celle de la JUVENTO n’avaient pas eu la sagesse et l’humilité d’accepter le principe d’une alliance (au lieu d’une « fusion » ou d’une « fédération ») pour aller ensemble aux élections, les nationalistes-indépendantistes n’auraient pas remporté la victoire du 27 avril 1958.

Si le CUT et la JUVENTO avaient marginalisé la masse de tous ceux qui voulaient “ le départ des Français” et avait maintenu la masse des Ablodetowo dans le rôle réducteur d’aller aux élections le moment venu, s’ils n’avaient pas fondé leur politique respective de mobilisation populaire sur une bonne organisation de la population et sur un mot d’ordre rassembleur commun (Ablodee, Woatsa dua), les nationalistes indépendantistes n’auraient pas remporté la victoire sur le PTP/UCPN le 27 avril 1958.


LTG : Certains négationnistes mènent une campagne virulente contre la symbolique de notre lutte d’indépendance. Avez-vous une mise en garde particulière à faire contre ces manœuvres ?


E. GU-KONU :
Vous avez raison. Laisser croire que ceux qui ont combattu l’idée de l’accession du Togo à l’indépendance sont des progressistes, participe à cette campagne négationniste. Faire croire que le PTP/UCNP et le CUT/JUVENTO voulaient tous l’indépendance, et qu’il ne divergent que sur le choix de “ la date de l’indépendance ” est un mensonge qui participe à cette campagne négationniste.

Imputer les violences postélectorales de 1958 aux nationalistes, en taisant tout ce qui s’est passé pendant la période de “ l’Autonomie interne ” (1956-1958) et avant, participe à cette campagne négationniste.

C’est pourquoi l’idée de « Vérité & Réconciliation”, que l’on a commencé à agiter avec force surtout après que l’armée et les caciques du RPT ont mis Faure Gnassingbe au pouvoir par la force, est extrêmement pernicieuse et manipulatrice.

Pourquoi n’a-t-on pas étendu le champ d’investigation de la Commission « Vérité & Réconciliation” au-delà de 1958 ? Pourquoi a-t-on pris en compte la période 1958-1960 ? Que fait-on des chefs traditionnels qu’on avait détrônés avec brutalité pendant la période de “ Zotonomie ” simplement parce qu’ils avaient eu le courage de choisir d’être du côté des nationalistes-indépendantistes ou avaient refusé de s’engager dans le PTP ?

Que fait on de toutes ces femmes et de tous ces hommes qu’on avait intimidé, battu, jeté en prison, soumis à des traitements inhumains et dégradants, parce qu’ils ont choisi d’être du CUT ou de la JUVENTO ? Identifier l’UFC aux nationalistes indépendantistes et en profiter pour montrer à chaque fois Gilchrist Olympio comme le revanchard à abattre participe à cette campagne négationniste.

Mettre aujourd’hui le 27 avril 1960 sur le même plan que le 13 janvier 1963 et commencer à commémorer de la même manière les deux événements marqués par ces dates, participent à cette campagne négationniste. Ce fait exprime une volonté de tout brouiller dans les têtes, de noircir le passé pour qu’il ne soit plus possible dans quelques années d’y distinguer quoi que ce soit, d’y faire les différences qu’impose l’histoire pour une vision claire de l’avenir.

Au demeurant, le 27 avril qui vient d’être fêté avec faste l’a été à la gloire du régime et de Faure, de la même manière que l’on célébrait et que l’on célèbre toujours le 13 janvier pour la gloire d’Eyadema et de son régime.

On pourrait multiplier les exemples à l’infini… Mais ce qui est plus important est que cette campagne ne date pas d’aujourd’hui. Elle avait commencé avant même 1990. Négation de l’indépendance, banalisation de la commémoration du 27 avril, répression de tout ce qui rappelle l’Ablodee … Cette campagne négationniste haineuse s’est intensifiée sans cesse et a pris un ton quasiment hystérique à partir de 1992. A partir de cette date, le régime en avait fait une des composantes essentielles de sa stratégie de démolition et de dénigrement de l’opposition démocratique.

Ceux qui continuent d’orchestrer aujourd’hui cette campagne doivent savoir qu’ils reprennent, ni plus ni moins, le discours anti-indépendantiste et anti-démocratique du régime et de son parti le RPT. Et ils doivent savoir que les Togolais ne sauraient être dupes de ces manœuvres intolérables tendant à noircir le passé pour les empêcher d’y puiser les leçons et la force nécessaires pour affronter l’avenir dans cette lutte en cours pour la seconde libération du pays.

LTG : Appel à la mobilisation pour raviver la flamme du combat pour la seconde libération

E. GU-KONU : Il est plus qu’évident que rien n’a changé dans la nature et dans les pratiques politiques et sociales du régime depuis la mort d’Eyadema.

Le système politique continue de fonctionner sur la constitution de 2002. Le régime et son parti continuent de détenir la réalité du pouvoir. Ils continuent de contrôler tous les secteurs de la vie nationale. La grande muette est restée telle qu’elle a toujours été : elle est toujours prête à brutaliser comme hier et à tirer sur la population si les intérêts vitaux du régime le lui commandent. Les comportements politiques et sociaux des hommes du pouvoir sont restés les mêmes qu’avant 2005. Tout le dispositif de répression est resté intact ; il suffit de le réactiver pour qu’il recommence à fonctionner, comme hier, avec la même brutalité et la même efficacité.

Le régime d’Eyadema et son parti le RPT sont toujours solidement aux commandes de l’Etat et font tout pour barrer la route à l’alternance démocratique. Le Togo est loin de devenir un pays démocratique. Que le régime organise donc aujourd’hui une célébration officielle de la commémoration du 27 avril, n’est nullement un début du changement. Si le système répressif ne fonctionne plus aujourd’hui comme hier pour un certain nombre de raisons, donnant le faux sentiment que quelque chose commence à changer, rien ne permet de dire qu’il ne recommencera pas à fonctionner demain de la même manière.

A partir de ce moment, la lutte pour la démocratisation et le respect des droits humains doit se poursuivre. Les nationalistes-indépendantistes n’auraient pas baissé les bras en leur temps. Mais il faut désormais poursuivre autrement.

Il ne faut plus continuer la fuite en avant dans la politique d’opposition dominante : elle a conduit l’opposition démocratique dans le mur. Il ne faut plus laisser la masse de la population sur la touche et ne lui faire appel que pour aller aux locales et, plus tard, aux présidentielles.

Si les nationalistes/indépendantistes avaient procédé comme nous le faisons aujourd’hui, le Togo n’aurait pas renversé le régime colonial en avril 1958.

Dans la situation présente, un seul parti politique d’opposition ne peut pas réaliser le changement démocratique, si grand soit-il et quelle que soit sa capacité à clientéliser d’autres partis. Il ne suffit pas d’être le plus grand. Il faut surtout se donner une politique d’opposition juste et cohérente par rapport à l’objectif du changement démocratique qui implique inévitablement le changement d’une classe politique anti-démocratique.

Enfin, il faut se résoudre à l’idée de la nécessité de faire émerger de la masse de la population une force organisée sous la forme d’un vaste mouvement où tous ceux qui veulent poursuivre la lutte puissent trouver une place et se valoriser. C’est dans ce sens que la CDPA-BT n’a pas cessé depuis des années de parler du Mouvement de la Force Alternative d’Opposition.

Mais la création de ce mouvement est une œuvre commune.

Prof. E. GU-KONU
Premier Secrétaire de la CDPA-BT

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