La CDPA-BT et les élections locales

Les élections locales auront lieu dans 10 jours, c’est-à-dire le 30 juin 2019. Le régime en a décidé ainsi. Et il l’a décidé seul, dans la foulée des législatives du 20 décembre 2018, et finalement dans la foulée de la « réforme » du 8 mai 2019.

Tout le monde sait les conditions d’organisation et de déroulement des législatives du 20 décembre. Tout le monde sait que la masse des opposants a refusé de participer à la mascarade pour montrer son refus du régime autocratique et sa détermination à continuer de se battre pour le changement démocratique. Mais tout le monde sait également que le but véritable des prétendues « réformes » applaudies par la chambre d’enregistrement le 8 mai est la consolidation du régime et son maintien au pouvoir le plus longtemps possible.

Les « réformes » du 8 mai ne sont donc pas les réformes constitutionnelles et institutionnelles que les partis du courant majoritaire de l’opposition avaient cru pouvoir amener le régime à faire à travers l’APG (2006). Le nouvel élan populaire provoqué par les manifestations du PNP à Sokodé le 19 août 2017 est brisé ; il n’a pas atteint l’objectif de la lutte d’opposition. Enfin, si les gigantesques marches d’août décembre 2017 démontrent la détermination et la disponibilité de la masse des opposants à aller jusqu’au bout, elles sont facilement démobilisées par l’idée même de ce 27ème dialogue lancée par le régime précisément dans ce but. La C14 n’a pas réussi à faire partir Faure Gnassingbe ; on devrait s’y attendre d’ailleurs. En plus, la coalition a implosé dans des conditions qui n’honorent guère l’opposition considérée dans son ensemble.

Tous ces constats pour montrer que le processus politique enclenché le 19 août 2017 n’a rien changé à la nature réelle du régime. Ce dernier est resté le même. Sa volonté de se perpétuer à la tête de l’Etat togolais est renforcée par les résultats de la mascarade électorale du 20 décembre 2018 et les nouvelles dispositions constitutionnelles du 8 mai 2019. Et c’est bien ce même régime qui organise les élections locales, en réalité par les mêmes méthodes utilisées pour toutes les élections législatives depuis 1994. En plus, il les organise dans une situation politique où l’état du rapport des forces est encore plus défavorable que jamais à l’opposition.

Il faut enfin souligner que l’opposition n’a pas pris part à l’organisation du scrutin. La précipitation avec laquelle le régime a lancé le processus électoral dans la foulée des législatives du 20 décembre 2018 et des « réformes » du 8 mai n’a pas laissé le temps aux partis du courant majoritaire de se ressaisir pour tenter de se donner une politique d’opposition commune. Le CAR et l’ADDI, qui se sont mis dans la CENI à la grande surprise de nombre de partis du courant majoritaire, n’ont aucun poids dans l’institution. Du fait de l’implosion de la C14, ces deux partis sont allés dans la CENI en réalité pour leur propre compte. Dans tous les cas, ils n’ont reçu aucun mandat de la masse des opposants pour y parler au nom de l’opposition.

C’est dans cette situation politique que vont se dérouler les élections du 30 juin. Comme si cette situation ne posait aucun problème pour l’opposition face au régime, pratiquement tous les partis du courant majoritaire se sont précipités au portillon pour participer à ce scrutin, certains à titre individuel, d’autres à la tête d’une nouvelle coalition, d’autres encore sous la banderole d’une C14 qui n’existe plus en réalité, puisqu’elle a implosé au lendemain du 20 décembre 2018 comme tout le monde le sait.

Et comme d’habitude, chacun de ces partis ou groupe de partis demande à la population d’aller massivement aux urnes le 30 juin, sous-entendu pour voter pour sa liste, et donc forcément contre les autres listes présumées être de l’opposition. Pourtant, ce sont ces mêmes partis qui avaient hier lancé ou soutenu le « Pas de réforme, pas d’élections ».

Aujourd’hui, aux incrédules qui s’interrogent à juste titre, ils font croire que « pour les locales, ce n’est pas la même chose que pour les autres élections » ; qu’il faut aller à ces élections pour pouvoir faire le développement local ; ou plus vulgairement, « pour ne pas laisser un boulevard devant le régime ». Ce qui veut dire dans la réalité qu’il faut aller à ces élections aussi, quelles que soient les conditions d’organisation du scrutin.

La CDPA-BT est au regret d’aller une fois de plus à contre-courant des partis du courant majoritaire de l’opposition.

Sans doute « les élections locales ne sont pas la même chose » (sic) que les élections législatives ou les élections présidentielles, comme les partis de ce courant le disent à la population dans le but de la convaincre d’aller s’inscrire massivement pour aller voter le 30 juin. Mais ces locales sont bel et bien organisées par le même régime, dans les mêmes conditions que les autres, et avec la même volonté politique de passer par tous les moyens pour se maintenir au pouvoir.

Dans ces conditions et compte tenu des exigences de la lutte d’opposition, les locales vont donner les mêmes résultats que les autres élections. Notre parti tient à attirer l’attention de la masse des opposants sur ce fait.

Les réformes constitutionnelles revendiquées depuis au moins 1997 pour rendre les élections crédibles dans le pays ne sont pas faites. L’organisation et les modalités de fonctionnement de la CENI sont restées les mêmes qu’avant ; le CAR et l’ADDI n’ont aucun poids dans l’institution ; ils y jouent plus un rôle de figurants qu’autre chose. Et par-dessus tout cela, le rapport des forces est encore plus défavorable que jamais pour l’opposition …

Dans ces conditions, quelques partis de l’opposition se retrouveront à la tête d’une minorité de communes ; mais rien ne changera dans la nature du régime et dans les conditions de vie de la grande masse de la population. La CDPA-BT tient à attirer l’attention de la masse des opposants sur ces faits aussi.

On ne peut pas se comporter vis-à-vis des locales du 30 juin comme si elles n’avaient aucun rapport avec le gros problème de la décentralisation. On reviendra sur ce problème plus tard.

La finalité d’une véritable décentralisation est d’amener, par des mesures légales et budgétaires appropriées dans un contexte politique démocratique, les collectivités locales décentralisées à gérer en toute liberté leurs espaces de vie pour assurer le progrès de leurs conditions d’existence respectives.

Tout ce qui s’est passé depuis le 19 août 2017 jusqu’au 20 décembre 2018 et après, montre qu’on est loin de cette démarche. Le régime n’est pas devenu démocratique ; sa nature fait que les collectivités locales « décentralisées » ne sont pas associées à la prise des décisions relatives à la conception de la décentralisation et à la mise en place des communes ; dans tout le processus de décentralisation, les préoccupations électoralistes du régime l’ont constamment emporté sur le souci d’offrir aux collectivités locales de véritables espaces de développement local.

En raison de tout cela, la commune est partie pour fonctionner comme une sous-préfecture ; et les maires et autres conseillers municipaux, comme autant de sous-préfets au service du régime. La CDPA-BT attire l’attention de la masse des opposants sur ces faits aussi.

Pour toutes ces raisons, le Bureau politique de la CDPA-BT demande à ses membres, aux sympathisants du Parti, à tous ceux qui continuent de se battre pour le changement démocratique :

1- de ne pas se faire des illusions en croyant qu’il suffit d’aller massivement voter le 30 juin pour éviter de laisser un boulevard devant le pouvoir. Le boulevard qui a permis au régime de faire ce qu’il veut pendant des années, y compris l’arbitraire et la répression, vient de l’inorganisation de l’opposition et des inconséquences de la politique conduite jusqu’à présent par les partis du courant majoritaire de l’opposition.

2- de ne pas se faire des illusions en croyant qu’il suffit d’aller massivement voter le 30 juin « pour permettre le développement local » comme on le dit ;

3- de ne pas aller voter le 30 juin car, toutes les fois que l’opposition accepte de participer à des élections pipées d’avance par le régime, elle rend service à ce dernier en lui donnant l’occasion de se faire passer à l’extérieur pour un régime démocratique ;

La CDPA-BT demande à la masse des opposants de comprendre que le plus gros problème de l’opposition est un problème d’organisation (ou de réorganisation), et d’accepter de s’associer aux initiatives entreprises par la CDPA-BT et le PA.DE.T (Parti Démocratique des Travailleurs) visant à rechercher une solution à ce problème.

Fait à Lomé, le 19 juin 2019.

Pour la CDPA-BT
Son Premier Secrétaire

Prof. E. GU-KONU

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