Retour sur le MFAO : Dix ans après, où en sommes nous ?

 

MFAOLe « Document MFAO », dont nous venons de remettre le résumé en ligne, fut diffusé pour la première fois en 2007. Cet ensemble de propositions visant à imprimer à la politique d’opposition une nouvelle orientation est donc vieux d’au moins dix ans. Dix ans au moins parce que la plupart des idées ainsi reformulées en propositions précises dans le document étaient déjà versées par la CDPA-BT dans le débat politique depuis décembre 2002 (cf. « Une force alternative d’opposition pour mettre fin à la dictature et instaurer la démocratie au Togo » ; éditions de la CDPA-BT, Lomé, décembre 2002).

La vision de court terme adoptée par les partis du courant majoritaire de l’opposition depuis février 1992 et l’empressement des chefs de ces partis à jouir sans tarder des privilèges du pouvoir d’Etat n’ont pas permis de prêter aux dites propositions l’attention qu’il faut. Les préoccupations électoralistes à la base de cette vision et de cet empressement ont constamment pris le pas sur toute autre considération politique pendant tout ce quart de siècle de lutte d’opposition ; et en plus dans un climat de rivalités intestines entre ces partis.

Depuis des années déjà l’expérience a montré que la politique d’opposition ainsi conduite jusqu’à présent par le courant majoritaire a fait faillite. A partir de 2010, l’échec est devenu si évident que des partis de ce courant –et non des moindres– ont senti l’obligation de faire des tournées pour avouer à la population qu’ils ne savent plus quoi faire ( le « Nous avons tout fait… ! »), et lui demander de « prendre ses responsabilités ». Comme si ces partis avaient pris le temps et la patience d’organiser la masse des opposants pour la mettre en mesure de se faire une opinion politique cohérente et d’être capable de « prendre ses responsabilités ».

Il n’est pas superflu de le rappeler une fois de plus : l’insurrection d’octobre 1990 ne fut pas un mouvement spontané, un moment où la population aurait décidé d’elle-même, en toute connaissance de cause, de « prendre ses responsabilités ». C’est sous l’effet d’un ensemble d’actions politiques coordonnées dans un but déterminé qu’elle a pu prendre le risque de descendre dans la rue pour revendiquer « le départ d’Eyadema ». Commencées réellement en 1987, ces actions n’avaient malheureusement pas eu le temps d’atteindre le niveau d’organisation requis pour permettre, avant l’explosion sociale d’octobre 1990, l’émergence d’une force d’opposition cohérente, capable de faire aboutir ces revendications populaires. Ce retard pris par les tâches d’organisation sur l’explosion sociale est un autre problème sur lequel il convient de revenir pour en expliquer le pourquoi.

Les partis du courant majoritaire de l’opposition avaient posé d’emblée le 12ème dialogue et « l’accord » auquel il a conduit (l’Accord politique global) comme une sorte d’aboutissement dans la longue quête de la population togolaise pour la démocratie et l’Etat de droit. On a laissé abusivement croire qu’il suffisait d’appliquer l’APG pour que le problème politique posé dans la rue en 1990 soit résolu. Une Assemblée législative (encore non élue, et dont on ne connait donc pas la composition !) ferait les reformes dans un esprit de « consensus » avec les membres d’un Cadre Permanent de Dialogue et de Concertation (CPDC).

Que s’est-il passé depuis l’élection de cette assemblée le 14 octobre 2007 ? Toutes les mesures prises par le pouvoir depuis ce moment ne sont qu’une suite de manœuvres dilatoires pour ne pas faire les « réformes ». La création du HCRRUN (Haut Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité Nationale) depuis 2008 ; la création du CPDC (Cadre Permanent de Dialogue et de Concertation) le 4 février 2009 et plus tard celle du CPDC Rénové pour enterrer définitivement le CPDC ; la création de la CVJR le 25 février 2009 et son installation le 29 mai 2009 ; la remise en scelle du HCRRUN le 24 mai 2014 deux ans après le dépôt du rapport de la CVJR en avril 2012 ; la création de la Commission de réflexion sur les réformes à faire ; comme si le CPDC et le CPDC Rénové n’ont jamais existé… Pendant ce temps, les années passent ; et le problème des réformes constitutionnelles et institutionnelles énoncé dans l’APG continuent de demeurer intact, de même que le problème crucial de l’impunité.

En réalité, au-delà de cette stratégie du dilatoire sans cesse mis en œuvre par le régime pour contourner la question de la limitation du mandat présidentiel et celle du scrutin à deux tours, le vrai problème de l’opposition togolaise aujourd’hui est plus que jamais celui du rapport des forces Opposition/Régime. L’opposition est devenue désormais si faible que le pouvoir en place et son parti se sentent libres de faire ce qu’ils veulent ; et d’afficher à l’occasion un mépris total pour les partis d’opposition. Plus que jamais, il n’y a plus de contre-pouvoir tant au niveau de l’Assemblée que dans le pays réel.

Cet affaiblissement excessif de l’opposition compte parmi les conséquences désastreuses de l’orientation donnée à la lutte d’opposition par les partis du courant majoritaire depuis si longtemps. La solution à cet affaiblissement n’est de nature ni constitutionnelle, ni institutionnelle. Elle n’est surtout pas dans une hypothétique « bonne volonté » du régime. La solution se trouve dans la nécessité de remettre le rapport des forces en faveur de l’opposition. Elle exige forcément de repenser la politique d’opposition dans son ensemble.

Dans tous les cas, remettre le rapport des forces en faveur de l’opposition passe nécessairement par une réinsertion véritable de la population dans le processus politique sur la base d’une organisation cohérente avec pour objectif premier le changement et non la collaboration. Dans cette optique, les propositions formulées dans le « Document MFAO » ne sont pas dépassées. Elles sont toujours d’actualité. C’est pourquoi la CDPA-BT a jugé nécessaire de les verser à nouveau dans le débat public. On les trouvera sur le site cdpa-bt.com

Fait à Lomé le 25 juillet 2017.

Pour la CDPA-BT, son Premier Secrétaire

Prof. E. GU-KONU

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *