Le « dialogue »: Que fait on alors du droit de grève et de manifestation?

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Les récentes arrestations d’étudiants à l’Université de Kara (18 Février 2012) imposent de revenir sur les crises qui ont secoué le secteur de l’enseignement à la fin de l’année 2011. On sait que les enseignants du primaire, du secondaire et du technique, ainsi que les étudiants de l’Université de Lomé et de Kara se sont mis en grève à partir de novembre 2011 pour réclamer l’amélioration de leurs conditions de travail.

Le régime avait d’abord laissé pourrir la situation, le temps de prendre les dispositions nécessaires pour corrompre et diviser les syndicats enseignants et les responsables des organisations estudiantines. Puis il a fini par signer au pas de charge une cascade d’accords séparés avec les grévistes en janvier 2012 : accords avec les enseignants du primaire, du secondaire et du technique ; accords avec les enseignants du secteur confessionnel ; accords avec les étudiants de l’Université de Kara ; accords avec les étudiants de l’Université de Lomé.

Ces accords se sont conclus sur des solutions qui n’en sont pas. Résultat, un certain climat d’apaisement social dans une grande confusion, qui a complètement occulté les problèmes de fond.

Ainsi, les étudiants de Kara, comme ceux de Lomé ont, bien entendu, réussi à grappiller un peu d’argent ; mais les problèmes fondamentaux de l’Université togolaise sont restés intacts, comme vont le montrer justement les nouvelles arrestations dans les milieux estudiantins de Kara.

Les enseignants du primaire, du secondaire et du technique se sont retrouvés en situation de se contenter de primes, alors que le bas niveau des salaires, par ces temps de “la vie chère”, ne leur permet pas de se donner les conditions de vie exigées par un enseignement de qualité.

Quant aux maîtres de l’enseignement confessionnel, ils sont repartis avec des promesses, en comptant sur la “bonne volonté” du pouvoir. Tout laisse voir qu’ils risquent bien de revenir dans la rue, s’ils veulent vraiment obtenir quelque chose.

Ce traitement de la crise sociale a fait ressortir une fois de plus un fait caractéristique de la situation politique togolaise : face aux revendications populaires, le régime n’a que deux réponses possibles : La violence d’Etat (on le savait déjà depuis des années !) et le faux dialogue sur fond de manipulation des consciences, de corruption et d’intimidation.

Pour le pouvoir en place, le dialogue avec les acteurs sociaux consiste à passer par tous les moyens, y compris les moins recommandables possibles, pour amener les représentants des organisations sociales à accepter, –la mort dans l’âme ou en se laissant corrompre–, les positions les moins satisfaisantes possibles pour ceux qu’ils représentent, ou qu’ils sont censés représenter.

Si bien que les prétendus “dialogues” ne règlent jamais les problèmes de fond dans le pays. Les responsables des partis politiques et des organisations associatives (syndicats et autres), si souvent engagés dans ces prétendus dialogues, ne parviennent ainsi jamais à obtenir ce qu’ils devraient obtenir du pouvoir pour améliorer les conditions de vie dans le pays.

Pour le régime, il ne s’agit ainsi pas de trouver de bonnes solutions aux problèmes à l’origine des revendications tant politiques que sociales ; il s’agit, à chaque fois, d’étouffer les mouvements sociaux dans des pseudo-dialogues pour donner à l’opinion, surtout étrangère, le sentiment que les problèmes politiques et sociaux se règlent désormais par le dialogue au Togo, que pour cela tout va bien désormais et que les Togolais sont derrière leur Faure Gnassingbe comme un seul homme !
A l’issue des dialogues menés au pas de charge en janvier, le régime a même réussi à obtenir des responsables étudiants, précisément ceux de Kara, l’engagement de ne chercher dorénavant à résoudre leurs problèmes universitaires par d’autres voies que par le dialogue !

Depuis les « accords paritaires » (28 juillet 1992), le régime a toujours pris le dialogue avec l’opposition pour un moyen de conservation du pouvoir. C’est bien ce qui ressort encore des dialogues menés avec les Etudiants de Kara et les autres.

Dans la lutte pour la démocratisation d’un système politique, la CDPA-BT n’est pas contre le principe du dialogue comme voie possible de résolution des problèmes politiques et sociaux. Mais dans la lutte en cours au Togo, notre parti continue d’affirmer que :

1- dialoguer pour dialoguer dessert l’opposition ; il donne en effet le faux sentiment que le Togo est devenu un Etat démocratique. Faire ces prétendus dialogues, d’où l’opposition ne tire rien, c’est faire le jeu du régime ; c’est l’accompagner dans sa volonté de se perpétuer ; c’est aller contre les aspirations du peuple au changement politique.

2- le rôle de l’opposition démocratique n’est pas d’aller dire au régime de dictature ce qu’il doit faire ou ne pas faire. Le rôle de l’opposition démocratique est de combattre le régime antidémocratique pour l’abolir. Se précipiter à chaque fois dans des dialogues manipulateurs, avec la prétention de dire au régime ce qu’il doit faire ou ne pas faire, c’est collaborer avec lui. Ce que veut le peuple togolais n’est pas la collaboration mais le changement politique.

3- l’Institution universitaire (ou plus globalement l’institution scolaire) joue un rôle fondamental dans le développement d’une société libre et démocratique. Par l’enseignement, la recherche, la création et les services à la collectivité, les universités contribuent à préparer les personnes qui, à titre de citoyens, façonnent la société et préparent son avenir. Avec les dialogues manipulateurs par lesquels on prétend résoudre les problèmes universitaires, l’Université togolaise continuera de marcher sur ses vieilles béquilles, tant pour la transmission des connaissances que pour la recherche scientifique. Le personnel enseignant conscient des enjeux de l’Université dans un pays le sait bien.

4- la démocratie ne vient ni de dialogues montés pour flouer l’opinion, ni de fricotages de toutes sortes avec le régime de dictature. Elle s’instaure à travers la lutte du peuple résolu à se libérer de l’oppression afin de pouvoir se donner les moyens nécessaires pour transformer ses conditions d’existence. Il est du devoir des partis et organisations démocratiques de l’opposition de l’organiser pour le mettre en mesure de réaliser cet objectif.

5- ceux qui participent à ces types de dialogues ou qui se font corrompre en prétextant résoudre les problèmes du Togo, doivent savoir qu’ils retardent l’avènement de la démocratie au Togo, et qu’ils contribuent, par ce fait, à maintenir la masse de la population dans la misère. Ils devront assumer leurs responsabilités devant l’histoire.

Fait en Allemagne le 16 Mars 2012.

BUAKA Emmanuel
Membre du Comité Exécutif National
de la CDPA-BT.

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